IMMEUBLE EN SOCIÉTÉ – RÉALITÉS, MYTHES ET LÉGENDES

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Il est une question qui revient régulièrement : l’usage d’une société et plus particulièrement lors de l’acquisition d’un immeuble a-t-elle encore du sens ?

Le contexte mais surtout les objectifs propres de chacun apporteront la réponse.

Ce qui suit devrait vous permettre d’appréhender les points à considérer afin de parfaire votre décision.

MOTIVATIONS D’ACHAT EN SOCIÉTÉ

L’un des fondamentaux d’une acquisition en société doit rester la justification économique que votre société investisse dans un immeuble afin de réaliser son objet social.

Les cas de figure les plus fréquents sont ;

  • Mon entreprise souhaite investir dans un immeuble afin de développer son activité et supprimer ses coûts de locations ;
  • Mon habitation sera en partie occupée pour les besoins de ma société ;
  • Plusieurs personnes souhaitent se mettre en commun afin d’acquérir un immeuble, opération qu’ils ne pourraient réaliser seul ;
  • En tant qu’investisseur, la faculté d’acquisition immobilière au travers d’une société me semble limiter les coûts, risques et me donne la faculté d’organiser la transmission de mon patrimoine à moindre frais.

Comparativement à des propriétaires personnes physiques en indivision, l’acquisition en société permet d’éviter une sortie forcée d’indivision. Dans ce cadre, un pacte d’actionnaires nous semble être recommandé afin de régir les droits et engagements de ces investisseurs qui se mutualisent pour acquérir un immeuble en société.

MODE D’ACQUISITION

PLEINE-PROPRIÉTÉ (sauf 1 à 2 % de quotité en privé)

Le schéma en apparence le plus simple étant que la société acquiert la pleine-propriété du bien à l’exception d’une faible quotité, qui permettra le cas échéant de bénéficier des droits d’enregistrement en indivision (faible) en cas de revente à un indivisaire.

Ce schéma sera privilégié par ceux qui souhaitent que la société conserve ad vitam la propriété de l’immeuble, notamment afin d’organiser la donation des actions, avec des coûts très limités.

USUFRUIT

Acquérir en démembrement un immeuble en société reste possible en adoptant un comportement prudent, notamment sur ces points ;

  • L’évaluation économique du droit réel, afin de distinguer objectivement la valeur de l’usufruit et celle de la nue-propriété ;
  • Respecter ce que prévoit le Code Civil en termes de répartition des travaux entre l’usufruitier et le nu-propriétaire.

Concrètement, la société acquiert un droit d’usufruit et, bien souvent, l’actionnaire/mandataire la nue-propriété de l’immeuble.

A l’extinction du droit d’usufruit, le nu-propriétaire deviendra plein propriétaire, à priori sans coût fiscal.

Cela étant, le principal écueil, au terme du droit immobilier, est que l’administration pourrait considérer que le nu-propriétaire bénéficie d’un avantage de toute nature en raison de l’amélioration, aux frais de l’usufruitier, de l’immeuble qu’il recouvre dans son patrimoine privé.

Mais récupérer l’immeuble en privé induit également qu’il sera soumis, sauf à le vendre avant, aux droits de succession au moment où le propriétaire fermera les yeux.

VIAGER

Indépendamment de certaines légendes, une société peut acquérir un immeuble en viager.

La vente immobilière en viager permet au vendeur de continuer à occuper son habitation malgré le fait qu’elle soit vendue, encaissant au début de l’opération un “bouquet”, ensuite périodiquement des rentes dites “viagères” (en Belgique la plupart du temps limité à 15 ans).

Au niveau bilantaire, l’actif est constitué du capital nécessaire pour assurer le service de la rente viagère, par équilibre le passif représente l’engagement envers le crédirentier (vendeur).

Lors de chaque clôture, cette dette viagère est réévaluée en fonction des statistiques de vie du crédirentier.

Il est vrai que pour le crédirentier une taxation (la rente est considérée comme un revenu des capitaux et biens mobiliers, imposable à 3 % sur la valeur ayant servi à la perception des droits d’enregistrement) trouve à s’appliquer, ce qui ne veut pas dire que l’opération est inintéressante mais que le “surcoût” fiscal sera répercuté dans le prix de cession pour permettre au vendeur d’obtenir le “net en mains” qui lui convient.

La société acquéreuse pourra cependant amortir, suivant son propre régime d’amortissement, son acquisition et devra établir annuellement une fiche (281.40) pour identifier le bénéficiaire des rentes versées.

Il est vrai qu’en cas de décès “prématuré” (comparé aux tables de mortalité ou plus positivement “statistiques de vies”) du vendeur, la dette subsistante constituera un produit taxable (éventuellement assurable ou refinançable).

A l’inverse, une société peut vendre son immeuble en viager avec la rente constituée sur la tête de son dirigeant.

En termes de garanties, une inscription hypothécaire est réalisée à la conclusion du contrat.

Dans l’éventualité où le débirentier (acheteur) se trouve en incapacité de payer les rentes, il est possible pour le crédirentier (vendeur) de recouvrer l’entièreté de la pleine propriété (et pourquoi pas réitérer l’opération avec un candidat plus solvable).

QU’EN EST-IL DE L’IMPOSITION EN SOCIÉTÉ ?

Les loyers perçus feront partie intégrante des revenus de la société, en ce compris ceux éventuellement impayés à la fin de la période.

Concernant les charges ;

    • Les frais opérationnels (entretien, assurance, gestion, précompte immobilier, taxes, intérêts, etc) sont déductibles sauf limitation qui pourrait trouver à s’appliquer (certaines taxes, etc) ;
    • En fonction du type d’immeuble (industriel ou résidentiel), la société pourra amortir, sauf la valeur attribuée au terrain, la valeur de construction généralement de manière étalée entre 20 et 30 ans. Dès le 1er janvier 2020, il ne sera plus possible d’amortir de manière dégressive (régime qui accentue la charge d’amortissement au début de l’investissement par rapport au régime classique dit « linéaire ») ni pour sur l’intégralité du premier exercice indépendamment de la date d’acquisition.

En début d’investissement, la réduction de valeur sur les frais accessoires, les amortissements et les faibles revenus locatifs peuvent avoir pour effet de ne pas générer de base imposable.

Dans les exercices suivants, les revenus locatifs diminués des charges liées seront taxés au taux d’imposition des sociétés (taux réduits ou normal suivant la situation propre à chaque entreprise).

En société, chaque investisseur devra considérer son exit et l’impact du boni de liquidation (ayant fort évolué ces dernières années). En effet, la plus-value lors de la revente de l’immeuble sera taxée au même titre qu’un autre revenu de la société et qu’in fine le boni de liquidation viendra encore grever les fonds propres à répartir aux actionnaires.

CAS PARTICULIER DES GRATUITÉS ACCORDÉES AUX LOCATAIRES

Dans la location professionnelle, il est fréquent que le propriétaire dispense, en début de bail, le locataire du paiement de quelques mois de loyers, ce qui constitue une « gratuité ».

C’est aussi le cas lorsqu’un locataire réalise des travaux et se voit autorisé par le propriétaire de ne pas payer de loyer pendant plusieurs mois, avec une incidence (non-déductibilité) TVA qu’il conviendra de vérifier.

Dans une approche qui nous semble anglo-saxonne, la Commission des Normes Comptables (CNC) a rendu un avis (2012/2) qui recommande (sans être impératif) de prendre en revenu les gratuités accordées (dans l’exercice concerné) et de les prendre en charge, de manière différée, suivant l’écoulement de la durée du bail.

Ceci aura pour conséquence de reprendre un revenu non encaissé et que la charge de cette gratuité sera elle diluée sur toute la durée du bail. Il faut comprendre que cette comptabilisation pourra générer une base taxable et donc un impôt dû alors que le revenu (gratuité) lié n’aura pas été perçu.

Par ailleurs, ces gratuités accordées étant comptabilisée à l’actif (sous la rubrique des comptes de régularisation), cela pourra donner une représentation améliorée des fonds propres et donc de la valeur de l’entreprise.

Cet actif étant non monétaire, il convient donc d’être prudent et considérer qu’il est nécessaire de le retrancher de la valeur des fonds propres, c’est d’ailleurs ce qui se fait lors de cession d’entreprises détenant des immeubles reprenant des gratuités accordées à l’actif.

TRAVAUX ET APPLICATION DE TVA ?

Rappelons que la TVA est un impôt lourd car sa mauvaise application ne se fait souvent connaître qu’avec délai et pour des montants souvent importants.

Il convient donc de rester attentif quant aux travaux facturés et l’application correcte du régime TVA d’autoliquidation concernant les travaux immobiliers entre deux assujettis. En effet, ce régime n’est pas dérogatoire mais obligatoire. Une TVA facturée à tort n’est jamais déductible pour le preneur.

Par ailleurs, le taux réduit peut s’appliquer à une société si les conditions sont réunies pour en bénéficier.

Il peut s’avérer judicieux, au moment d’une vente d’immeuble que la société vérifie dans quelle mesure elle ne devrait pas « réviser » de la TVA, nous renvoyons à un article précédent pour un exposé complet.

LOCATION PROFESSIONNELLE AVEC APPLICATION OPTIONNELLE DE TVA

Depuis le 1er octobre 2018 et sous certaines conditions, il est possible d’opter pour que l’immeuble neuf soit donné en location (professionnelle) avec application TVA.

Ceci permet donc à l’investisseur de récupérer l’intégralité de la TVA ayant grevé la construction de cet immeuble neuf.

En présence d’un preneur assujetti avec droit à déduction, l’effet est neutre et ne représente donc pas de coût supplémentaire.

COMMENT EST TRAITÉ L’OCCUPATION PRIVÉE DE L’IMMEUBLE D’UNE SOCIÉTÉ ?

La partie qui est mise à disposition pour des besoins privés déclenche l’attribution d’un avantage de toute nature basé sur le revenu cadastral du bien en proportion de l’espace occupé. Il en sera de même pour les coûts de chauffage et électricité pour lesquels des forfaits existent.

Il existe une grande disparité de traitement sur ces avantages puisqu’ils sont reliés au revenu cadastral, ceux-ci ne suivant, dans le temps, que très (très) rarement la réelle valeur locative.

Il est recommandé que ces avantages de toutes natures soient repris comme rémunération du bénéficiaire et pas en contrepartie d’écriture en compte courant, au risque de souffrir du rejet des frais liés à l’immeuble.

Concernant un éventuel espace inoccupé dans le bâtiment, cela reste possible de le retrancher pour éviter un avantage de toute nature trop important.

En tout état de cause, il nous apparaît préférable de proscrire une acquisition en société d’un immeuble strictement utilisé aux fins privées des actionnaires/mandataires.

LIQUIDATION ET PARTAGE AU TAUX RÉDUIT ?

Au moment de la liquidation d’une société détenant un immeuble, un actionnaire pourra souhaiter récupérer le bâtiment à des conditions favorables.

Sous certaines conditions, il sera possible de bénéficier, par exception, du droit de partage de 1% ou exceptionnellement du droit fixe général en lieu et place du droit de mutation (12,5 %).

Suivant la région, nous attirons votre attention sur le fait que des travaux ayant nécessité un permis d’urbanisme au cours de la propriété en société sont de nature à supprimer le bénéfice de cet avantage.

VENDRE L’IMMEUBLE D’UNE SOCIETE SANS DÉCAISSER L’IMPOT LIE À LA PLUS-VALUE ?

Sous respect de plusieurs conditions, notamment, de remploi dans un autre investissement, il est effectivement possible d’immuniser temporairement la taxation liée à la plus-value sur, entre-autre, un immeuble.

Nous renvoyons à un article précédent pour un exposé complet.

Dans le cadre d’une acquisition d’entreprise, c’est aussi un point qu’il convient de vérifier car c’est un engagement latent dont le non-respect est sanctionné lourdement.

QU’IMPLIQUE LA CESSION DES ACTIONS D’UNE SOCIÉTÉ QUI DÉTIENT UN IMMEUBLE

Nous synthétisons quelques avantages et inconvénients des Parties comme suit ;

VENDEUR

ACQUEREUR

AVANTAGES

(+) N’est pas taxé sur la plus-value sur la cession de ses actions et évite la taxation en société de la plus-value sur l’immeuble.

 

(+) Pas de droits d’enregistrement à acquitter (économie 10 à 12,5 %, suivant la région concernée).

 

(+) Continuité dans l’activité, pas d’informations de changement envers les tiers, la propriété juridique de l’immeuble reste en société.

 

INCONVENIENTS

(-) Devra consentir des décotes sur les fonds propres en raison de la taxation latente ainsi que des garanties de passif.

 

(N.B.) Ne pas oublier de gérer la suppression/transfert des garanties personnelles (e.a. si un financement existe toujours en société).

(-) La valeur marché du bien aura probablement augmenté et ne correspondra plus avec la valeur nette comptable. Pratiquement, la valeur restante à amortir sera donc moindre que son prix d’investissement.

 

(-) A terme, devra gérer les impacts fiscaux de la société, sauf à céder à son tour les actions.

 

(-) Pertes fiscales lors d’un changement de contrôle deviennent non récupérables, sauf motifs économiques robustes (à démontrer).

 

RESTRUCTURATION DE SOCIÉTÉ DÉTENANT UN IMMEUBLE

Dans le temps et suivant l’évolution de ses affaires, un entrepreneur pourrait être tenté de dissocier l’immeuble de l’activité opérationnelle (par exemple, transmission d’entreprises implique la vente de la société opérationnelle).

Ceci peut se concevoir au moyen d’une scission partielle mais seulement en présence d’arguments économiques autres que ceux privilégiant les intérêts des actionnaires.

Dans ce cadre, le Service Des Anticipées en matières fiscales (www.ruling.be) a rendu des décisions favorables mais assorties d’un engagement majeur de réinvestissement.

Ce type d’obligation étant fort contraignant, on pourrait être tenté, dès le début, de constituer une société (foncière) qui ne détiendrait que l’immobilier et le donner en location à sa société opérationnelle et/ou des tiers.

DÉTENIR UN IMMEUBLE SIS À L’ÉTRANGER DANS UNE SOCIÉTÉ BELGE, UNE BONNE IDÉE ?

Dans bien des cas, il sera nécessaire d’établir, dans le pays duquel le bâtiment est situé, une déclaration des revenus spécifique aux produits/charges de cet immeuble et supporter l’impôt étranger (déductible du résultat belge).

Par ailleurs, certaines juridictions ne considèrent pas certains frais (e.a. amortissements) comme étant déductibles, ce qui aboutit à une taxation fort différente de ce que nous connaissons.

Avec l’avènement des registres (UBO et autres) identifiants les bénéficiaires économiques et/ou propriétaires immobiliers, d’autres impôts sont potentiellement à craindre.

C’est notamment le cas du Royaume-Uni qui taxe lors du décès du bénéficiaire économique (!) d’une société non-résidente à hauteur de 40 % (IHT – Inheritance tax) la valeur des biens immobiliers détenus (suivant un ratio spécial), c’est donc un « WannaCry » (*) fiscal.

Malheureusement, c’est tout sauf une légende mais bien une triste réalité qui fait abstraction des structures existantes pour harponner le bénéficiaire économique.

Cette disposition confiscatoire à la sauce anglaise fera-t-elle des émules ? Résistera-t-elle aux insurgés et les déçus du Brexit ? Bien imprudent celui qui tentera d’être affirmatif.


QUE FAUT IL EN RETENIR ?

  • En réalité, détenir un immeuble en société présente encore des nombreux avantages, cela étant ;
    • Croire qu’une société (ou ses actionnaires) qui détient un immeuble ne paye jamais d’impôt relève du mythe ;
    • La légende veut que lors de la revente des actions d’une société détenant un immeuble, le vendeur économise les impôts, c’est aussi faire abstraction d’une partie de la réalité ;
  • Demain plus qu’hier la circonspection s’impose, dans la motivation économique, la valorisation de vos choix, etc. ;
  • Il pourrait être utile qu’une expertise immobilière renforce votre dossier afin d’ancrer les valeurs utilisées, notamment dans le cadre d’un droit réel (e.a. usufruit), de loyer représentatif du marché, etc. ;
  • Documenter régulièrement vos dossiers et soyez à même de démontrer vos arguments et décisions ;
  • A chaque moment de la vie de votre entreprise des opportunités existent, faites-vous accompagner de conseils compétents dans leurs domaines.

Thomas DRAGUET
thomas@anticiper.tax
+32 475 748 279
www.anticiper.tax

(*) WannaCry est un ransomware (virus informatique) qui a racketté un nombre impressionnant d’utilisateurs d’ordinateurs en bloquant le contenu, rendu accessible seulement contre paiement. Traduit c’est la contraction de « Vouloir pleurer », tout un programme – un vrai constat.

 

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